L’acquisition des entreprises en Grèce

CENTRE FRANCAIS DU COMMERCE EXTÉRIEUR
Séminaire
PARIS – 2 juin 1992


Sommaire :
Analyse des éléments comptables
Le bilan
Régime fiscal
Règles spécifiques à l'introduction des capitaux en Grèce

ANALYSE DES ELEMENTS COMPTABLES
Les directives communautaires en matière de droit des sociétés ont été transposées en Droit Grec par les décrets Présidentiels 409/86 et 498/87.

Le Décret Présidentiel 409/86 précise de façon très détaillée le contenu des comptes annuels qui doivent être tenus par les sociétés et oblige les sociétés anonymes de tenir, des comptes annuels qui doivent comprendre le bilan, le compte d'exploitation, le tableau d'affectation des résultats, et l'annexe.

Les comptes annuels ainsi que le rapport du Commissaire aux Comptes sont déposés au Registre des Sociétés Anonymes et sont publiés au Journal Officiel 20 jours au moins avant l'Assemblée Générale des Associés ; ils sont également publiés dans un journal quotidien politique et dans un journal quotidien financier.

Par ailleurs, les comptes annuels ainsi que le rapport du Conseil d'Administration et du Commissaire aux Comptes sont à la disposition de chaque associé.

La copie des comptes annuels est déposée à l'Administration 20 jours avant l'Assemblée Générale ; le procès verbal de l'Assemblée Générale d'approbation des comptes et copie des comptes approuvés sont également soumis à l'Administration 20 jours après l'approbation des comptes.

Il en est de même des comptes des SARL qui sont soumis aux mêmes conditions de publicité.

LE BILAN
Il comprend, comme le bilan que nous connaissons en France la colonne représentant l'actif de la Société et la colonne représentant ses dettes et obligations c'est à dire le passif.

Tant les bénéfices que les pertes, en tant que résultat, figurent dans la colonne du passif. Néanmoins, la situation de la Société telle qu'elle résulte du bilan ne correspond pas très souvent à la valeur réelle des divers éléments de l'actif et du passif car en règle générale la comptabilisation de ces éléments est basée sur l'application des règles du Code des Éléments Fiscaux, règles qui obéissent à un système d'évaluation forfaitaire, particulièrement formaliste et ne correspondent pas très souvent à la valeur réelle des éléments figurant dans l'actif et le passif.

Ainsi, nous pouvons dire à titre général que les règles fiscales et comptables existant en Grèce obéissent à un formalisme exagéré qui porte atteinte à la transparence

Une autre raison de cette absence de transparence consiste au fait qu'il n'existe pas réellement en Grèce de règles de comptabilité et d'échanges c'est à dire des principes comptables acceptés généralement, pas plus qu'une profession comptable d'un niveau de formation et d'organisation réellement satisfaisant.

Ainsi pour revenir au cas précis d'un bilan il faut dire que la comptabilisation de la situation de la société telle quelle est faite dans le bilan n'est pas exacte car la Loi oblige entre autre à faire figurer certains éléments de l'actif ou du passif avec une valeur inférieure à leur valeur réelle.

Ainsi en ce qui concerne les éléments d'actif immobilisé les règles grecques imposent l'application du principe du "coût historique" ; c'est donc le prix auquel l'élément en question a été acquis ou le prix de sa construction en cas de construction par la société, prix auquel s'ajoutent les dépenses de réparation ; cette valeur globale subit bien entendu l'impact des amortissements autorisés.

Ainsi le montant retenu au niveau comptable peut être totalement différent de la valeur réelle du bien en question qui a pu augmenter ou baisser en fonction de l'évolution du marché ; cette règle du "coût historique" est par ailleurs applicable pour tous les éléments de l'actif sauf disposition contraire.

Cette règle du "coût historique" est la raison principale des constitutions des "réserves non apparentes" et de réduction par voie de conséquence de l'imposition

Au fond l'objectif de cette réglementation tendant à la sous évaluation de l'actif et à la constitution de la sorte des "réserves non apparentes" a comme objectif non pas bien entendu de porter atteinte aux intérêts du fisc mais de préserver la viabilité de l'entreprise elle-même, même si les intérêts des associés se trouvent indirectement lésés du fait que la sous évaluation de l'actif diminue forcément le montant des bénéfices distribués.

En ce qui concerne les éléments qui figurent en tant qu éléments d'actif immobilisé, il est à noter qu'il s'agit de biens immobiliers, de machines, de moyens de transports, d'installations techniques ainsi que des biens meubles correspondant à des équipements.

Les réserves non imposables permises par certaines lois destinées à favoriser les investissements font partie également de l'actif immobilisé.

L'actif circulant comprend :
a) les stocks (marchandises, produits, matières premières, etc.)
b) les créances (clients, effets de commerce et tout autre créance à court terme)
c) les titres (actions, obligations, etc.)
d) l'actif disponible (caisse, dépôt en banque, etc.)


En ce qui concerne les stocks lorsque ceux-ci dépassent la valeur de 400.000.000 de drachmes il y a obligation de tenir un livre de dépôt.

Un autre poste qui peut également figurer dans la colonne de l'actif du bilan outre l'actif immobilisé et l'actif circulant est constitué par "l'actif transitoire" correspondant au poste "comptes de régularisation" de la comptabilité française ; par exemple des frais payés dans l'exercice concerné alors qu ils concernent l'exercice suivant (loyer payé d'avance) ou des recettes qui concernent l'exercice concerné mais qui n'ont pas été ni perçues pendant l'exercice en question ni imputées à celui-ci.

La colonne du passif du bilan comprend :

- les capitaux propres (capital social, réserves légales réglementées et autres, le report à nouveau et éventuellement les sommes destinées à une augmentation de capital) ;

- les provisions pour pertes et les frais auxquels sont comprises les provisions pour indemnités de rupture du personnel éventuellement licencié.

- les obligations (dettes) de la société à court ou à long terme ;

- le "passif transitoire" (comptes de régularisation) (par exemple des frais perçus dans l'exercice concerné mais ayant trait à l'exercice suivant ou des frais correspondant à l'exercice concerné mais qui n'ont été ni perçus pendant celui-ci ni imputés à celui-ci).

Le bilan est accompagné comme en France par le compte d'exploitation qui est destiné à indiquer non seulement les postes de l'actif et du passif mais surtout les sources des éléments correspondants, c'est à dire des éléments que nous n'avons pas à la lecture du bilan.

La présentation du compte d'exploitation correspond exactement à celle que nous connaissons en comptabilité française.

En conclusion, il est certain que la Grèce suit les règles générales du droit communautaire sur l'établissement des comptes annuels mais dans la réalité le système comptable est peu transparent car il obéit à des règles d'évaluation forfaitaires imposées par le Code des Éléments Fiscaux et ne reflètent pas la valeur réelle des divers éléments.

Ainsi l'acquéreur éventuel doit faire procéder à un contrôle approfondi des différents postes du bilan surtout des postes les plus névralgiques, qui sont pour la Grèce l'actif immobilisé (très souvent sous évalué) et le poste "clients" très souvent surévalué lorsque la vente de la société est envisagée.

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REGIME FISCAL
La réglementation grecque concernant les fusions et acquisitions a été harmonisée avec le Droit Communautaire en 1987 par le Décret Présidentiel 498/87.

Le régime fiscal applicable aux acquisitions est néanmoins antérieur à cette harmonisation et résulte d'un décret législatif de 1972 contenant des dispositions favorables à l'acquisition d'entreprises et à la constitution de la sorte d'unités importantes.

En effet, il faut rappeler que les sociétés grecques sont souvent des sociétés familiales de taille peu importante et qu’il a semblé nécessaire de favoriser la concentration économique afin de faire face à la concurrence étrangère.

Les dispositions du Décret précité prévoit principalement :

- exemption d'imposition de la plus value résultant du prix de vente des actions ;
- exemption du paiement de la T. V.A.

L'application des dispositions précitées avait été initialement limitée à la date du 31 Décembre 1991 ; néanmoins leur durée a été prorogée ce qui signifie qu'elles sont toujours applicables ;

Les autres orateurs ont déjà expliqué qu il y a plusieurs façons de rachat d'une entreprise à savoir :

* l'achat d'actions
* l'achat des éléments de l'actif
* l'achat d'une branche après scission

1) Dans le premier cas il est a noter que le prix des actions est payé aux associés de la société achetée et la plus value résultant de cette cession n 'est pas passible d'impôts et cela indépendamment de la forme juridique de l'acquéreur (personne morale ou personne physique).

Il est a noter néanmoins que lorsqu'il s'agit d'une personne morale la plus value doit faire l'objet d'une réserve non imposable qui ne peut être distribuée aux actionnaires. Les caractéristiques principales d'un tel type d'acquisition sont les suivantes

- procédure simple et relativement rapide ;
- le prix est payable aux associés et n'est pas imposable ;
- la continuité de l'entreprise est assurée ;
- l'acquéreur prend en charge toutes les obligations, les charges et les dettes (connues ou inconnues) de l'entreprise achetée ;
- les pertes des exercices antérieurs peuvent être reportés dans une limite de cinq ans (même règle de reports de pertes qu 'en France) ;

2) Dans l'hypothèse d'achat de certains éléments seulement de l'actif, le prix de l'achat (d'une partie ou de la totalité des éléments de l'actif) est payé a la société elle-même et les associés n y ont pas accès.

Ces éléments de l'actif de la société sont achetés pour être apportés d'habitude dans une autre société.

L'acquéreur répond des dettes de la société a l'égard de ses créanciers a concurrence de la valeur des biens acquis. Il a donc intérêt a obtenir l'assurance que le prix payé sera disposé pour la satisfaction des créanciers.

En tout état de cause la limitation de la responsabilité de l'acquéreur représente un avantage considérable pour l'acquéreur si l'on tient compte du fait qu'en Grèce les redressements fiscaux interviennent plusieurs années après l'exercice contrôlé puisque la prescription fiscale est de dix ans.

Ce type d'achat est caractérisé par les éléments suivants :

- procédure longue et compliquée ;
- le prix est payé a la société après paiement de toute les créances des créanciers. S'il reste un solde celui-ci est distribué aux associés uniquement après la liquidation et la dissolution de la société ;
- l'acquéreur est responsable envers les créanciers du cédant a concurrence de la valeur du patrimoine cédé ;
- l'acquéreur ne prend pas en charge de façon générale les obligations, charges et dettes de la société (connues ou inconnues) ;
- l'acquéreur a la possibilité d'amortissements importants si le prix d'achat est supérieur a la valeur nette comptable ;
- les pertes des exercices antérieurs ne peuvent être utilisées par l'acquéreur afin de compenser des bénéfices ;
- l'imposition fiscale est très lourde et en principe a la charge de l'acquéreur ;
- droits "de mutation (immeubles, terrains)
- impôt sur le revenu sur la plus value (si les immeubles ne sont pas utilisés pour les activités de l'entreprise)
- T. V.A. (machines et équipements)
- impôts sur le revenu sur les marques
- impôts sur le revenu et T.V.A. sur le good will

3) Enfin la troisième hypothèse de rachat est celle constituée par l'acquisition d'une branche entière d'activité d'une entreprise.

Il s'agit en fait d'acquisition d'éléments d'actif d'une société (et d'activités correspondant a ces derniers) par la scission de la société en deux sociétés ou par la scission en diverses branches.

De la sorte il est possible "d'isoler" certains éléments de l'actif (ainsi que les activités correspondantes) de façon a ce que ces éléments constituent dans la réalité l'objet de l'échange, qui est apporté par la suite a une nouvelle société.

Sur le plan fiscal les dispositions favorables du Décret Législatif 1297/72 sont applicables a ce cas (donc exemptions fiscales).

Dans la réalité ce type d'opérations est nouveau en Grèce et l'on ne connaît pas encore les pratiques qui seront développées.

Toujours est-il qu'il offre théoriquement la possibilité qu'une acquisition d'éléments d'actif non imposable car finalement il aboutit a une cession d'actions.

Le désavantage principal consiste en une procédure longue puisqu’il faut obtenir avant l'acquisition de la branche concernée la scission de la société initiale.

Enfin, il est à noter à titre général qu'un des principaux problèmes concernant le contrôle par l'acquéreur des créances et des dettes d'une société est représenté par le risque de redressement fiscaux ; il faut en effet tenir compte que les exigences du Fisc se prescrivent en Grèce par dix ans et que les redressement fiscaux entraînent le plus souvent des exigences supplémentaires du Fisc et un rejet de la comptabilité quasi systématique.

Il s'agit donc d'un risque important dont il faut en tenir compte pour la rédaction des clauses de garantie du passif et in fi ne pour l'évaluation du prix de l'achat

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REGLES SPECIFIQUES A L'INTRODUCTION DES CAPITAUX EN GRECE
En 1986, la Grèce a réglementé pour la première fois les mouvements de capitaux entre la Grèce et les autres pays membres de la CEE en application des directives communautaires correspondantes.

Néanmoins, au niveau communautaire il a été permis a la Grèce de prendre certaines mesures de sauvegarde en ce qui concerne la liberté de la circulation des capitaux afin de pouvoir rétablir sa balance commerciale.

Actuellement les mouvements des capitaux entre en Grèce et les autres pays de la CEE sont régis par le Décret Présidentiel 207/87.

Les dispositions de ce Décret sont très importantes s'agissant d'une acquisition d'entreprise car il résulte dans la réalité de ces dispositions une liberté d'introduction des capitaux étrangers en Grèce sans aucune restriction mais en revanche la sortie de ces capitaux, ou le rapatriement des bénéfices, obéissent a des règles édictant des restrictions assez importantes.

Ainsi on peut librement introduire des devises mais il existe encore un contrôle des changes quant a leur sortie.

Le décret Présidentiel 207/87 prévoit une procédure particulière pour les investissements directs afin que l'investisseur étranger puisse être autorisé a rapatrier les capitaux investis ou leurs bénéfices. Il est a noter tout de suite que l'acquisition d'une entreprise rentre dans la catégorie des investissements directs.

En effet, sont considérés comme investissements directs

- la création de succursale ou d'entreprises nouvelles appartenant exclusivement a celui qui procède a l'investissement ;
- la prise de participation dans des sociétés existantes ;
- les prêts a long terme ayant pour but la création de liens économiques durables ;
- le réinvestissement des bénéfices.

Les dispositions précitées sont d'un intérêt capital pour l'acquéreur étranger car seule l'autorisation du Ministre de l'Économie Nationale lui permettra de rapatrier les bénéfices, le remboursement en intérêt et capital des prêts, et éventuellement le produit de vente, cession ou liquidation de l'entreprise.

Il en est de même en ce qui concerne les redevances : lorsque qu'elles résultent d'un investissement direct leur sortie de la Grèce doit être autorisée par le Ministère de l'Économie Nationale.

Dans la réalité, l'acquisition d'une société grecque par une personne morale ou physique étrangère implique l'introduction des capitaux en Grèce afin de payer le prix de l'acquisition. Il en est de même en cas d'acquisition des éléments de l'actif ; dans ce cas l'acquéreur étranger devra constituer une société de droit Grec dont le capital (capital propre et capital emprunté) doit être suffisant pour couvrir le prix de l'acquisition.

Ainsi, l'acquéreur étranger a le plus grand intérêt à déposer préalablement a l'introduction des capitaux correspondant en Grèce une demande au Ministère de l'Économie Nationale afin que l'investissement envisagé soit régi par le Décret Présidentiel 207/87 et que les capitaux et bénéfices puissent être rapatriés.

La seule condition pour bénéficier des dispositions du décret Présidentiel précité est la preuve de l'introduction effective en Grèce des capitaux étrangers et le document établissant cette introduction effective constitue un des éléments de base du dossier qui doit être soumis au Ministère.

Le dossier doit également comprendre :

- l'identité de l'acquéreur étranger établissant qu il habite un pays communautaire ;
- le rapport d'évaluation de la valeur des actions.
- si l'actif qui sera acquis comprend des immeubles la valeur de ces derniers doit résulter d'un rapport établi soit par des Experts assermentés, soit par la Chambre Technique de Grèce.

Lorsque le pourcentage des actions qui seront achetées est inférieur a 20 °k du capital social de la Société, le dossier correspondant doit être soumis a la Banque de Grèce.

En revanche lorsque le taux précité est supérieur a 20 % du capital social de la Société le dossier doit être soumis au Ministère de l'Économie Nationale.

De même, même si le taux précité est inférieur a 20 % le dossier doit être soumis aux services compétents du Ministère de l'Économie Nationale lorsqu' il existe un lien économique entre le vendeur et l'acquéreur, par exemple un contrat de prêt ou de prestations de services, etc.

En ce qui concerne le rapport d'évaluation de la valeur des actions il est a noter que le Ministère de l'Économie Nationale exige un rapport établi par l'ordre des experts comptables ; néanmoins les services de la Banque de Grèce acceptent également le rapport établi par des Cabinets d'audit d'une certaine notoriété.

L'objectif in fine du rapport précité est d'établir que le prix d'acquisition sera dans son intégralité importé de l'étranger.

En ce qui concerne le rapport d'évaluation qui devra être établi par l'ordre des Experts Comptables il est à noter :

- que ce rapport peut être contesté par les autorités concernées ;
- qu il faut prévoir un délai de six mois environ pour son établissement ;
- que son coût est relativement élevé.

Ce qu'il faut retenir c 'est que l'autorité concernée définit elle-même le prix d'acquisition et si celui-ci est différent de celui établi par le rapport des Experts-Comptables le montant des devises qui doit être introduit en Grèce doit correspondre a l'évaluation des autorités officielles.

II s'agit d'un problème important pour l'acquéreur étranger qui se trouve ainsi dans l'obligation d'introduire des capitaux bien souvent supérieurs au prix convenu.

Dans la réalité ce problème peut être contourné par la possibilité qu'a le vendeur de sortir de la Grèce le prix perçu a concurrence du montant introduit par l'acquéreur pour l'acquisition.

Enfin1994, date a laquelle expirent les deux ans de prorogation qui , les difficultés précitées résultant du contrôle des changes doivent normalement disparaître en ont été accordés par la CEE à la Grèce quant aux restrictions a la libre circulation des capitaux.

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