La fiscalité de la transmission d'entreprise en Grèce

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
Colloque sur " L'impôt en Europe " organisé par l'association EUROPE ET LIBERTE
Paris - 9 octobre 2002

Sommaire:

Introduction
Transmission à titre onéreux

  • Cession de titres (parts sociales ou actions)
  • Transmission de l'ensemble d'une entreprise
  • Mécanismes plus favorables

Transmission à titre gratuit

  • Donations
  • Donations parentales
  • Successions

INTRODUCTION
L’entreprise n’est pas en droit grec une personne juridique puisqu’elle n’a pas la personnalité morale ; elle appartient au domaine des réalités économiques et sociales et est définie comme un ensemble comportant une activité économique, un ensemble de moyens affectés à cette activité, une organisation et un centre d’intérêts, de décisions et de pouvoirs. Lorsque l’entreprise est individuelle le cédant cède l’ensemble des éléments précités ou une partie de ceux-ci sous forme de cession d’actifs ; lorsqu’elle est en société il est possible soit de céder les actifs, mais dans ce cas c’est la société elle-même, propriétaire de ces actifs qui les vend, soit de céder les titres sociaux et se sont alors les associés de la société qui cèdent une partie ou la totalité de leurs titres. Il est à ajouter que lorsque l’entreprise est en société elle peut aussi être cédée par le moyen d’une fusion-absorption, ce qui signifie que la société absorbante acquiert la société absorbée qui disparaît.

L’ensemble des opérations précitées peut intervenir soit à titre onéreux ( vente ) soit à titre gratuit, par le moyen d’une donation, d’une donation parentale ou d’une succession.

Chaque type de cession à titre onéreux obéit à des règles fiscales spécifiques. En revanche les cessions à titre gratuit, qu’elles concernent des actifs ou des titres, sont soumises aux taux d’imposition applicables en général aux successions ou aux donations, puisqu’il n’existe aucun régime spécifique dérogatoire pour les transmissions d’entreprise par voie de donation ou de succession.

TRANSMISSION A TITRE ONEREUX

CESSION DE TITRES (PARTS SOCIALES OU ACTIONS)

1 - Cession de parts sociales (sociétés en nom collectif, sociétés en commandite simple ou sociétés à responsabilité limitée)

Les sociétés de personnes (telles que Sociétés en nom collectif ou sociétés en commandite simple) sont courantes en Grèce, surtout lorsqu’il s’agit de sociétés familiales. Qu’il s’agisse de cession de parts de sociétés de personnes ou de Sarl le droit fiscal prévoit un impôt de 20 % sur la plus value réalisée. Cet impôt est considéré comme un impôt sur le revenu et est payé par le cédant, qui doit déposer au Fisc une déclaration de plus-value résultant de la cession, ainsi qu’un exemplaire de l’acte de cession (art 13 de la loi 2238/94, modifié par l’art 6 de la loi 2386/96 et art 3 de la loi 2253/1999).

Lorsqu’il s’agit de cession de parts de Sarl les statuts de cette dernière peuvent prévoir l’obligation pour la société de payer l’impôt sur la plus value de cession aux lieu et place du cédant.

2 – Cession d’actions des Sociétés Anonymes

  • Actions non cotées en Bourse

La loi 2573/1999 a supprimé l’obligation d’un impôt de 20 % sur la plus-value de cession et l’a remplacé par un impôt de 5 % calculé sur le prix de cession.

Cet impôt de 5 % est calculé soit sur la valeur contractuellement convenue, soit sur la « valeur réelle » des actions cédées, étant précisé que l’on ne peut retenir que la plus élevée.

Une décision du Ministre des Finances en date du 2 décembre 1999 définit le mode de calcul de la « valeur réelle » des actions cédées.

Cette évaluation se fait de la façon suivante : la moyenne des capitaux propres des 5 dernières années d’exercice, après avoir été multipliée par la moyenne de rendement annuel de ces mêmes capitaux est divisée par le nombre des actions de la SA existant au jour de la cession.

Seules les actions des Sociétés Anonymes étrangères échappent à ce calcul de valeur réelle ; dans ce cas, l’impôt de 5 % est calculé sur le prix contractuellement convenu.

Sont exemptés de l’impôt précité de 5 % les cessions:
a) qui sont destinées à couvrir le capital social d’une SA
b) qui sont destinées à assurer l’augmentation du capital d’une SA
c) lorsqu’il s’agit d’une donation, d’une donation parentale ou d’une succession.

L’impôt de 5 % sur le prix de cession, dont le règlement doit intervenir avant la transmission des actions, est obligatoire quelque soit le résultat ( bénéfice ou perte ) qui découle de la cession, sans possibilité de restitution en cas de pertes constatées à la suite de la cession.

Le paiement de l’impôt précité de 5% est libératoire pour le cédant – personne physique ou société de personnes, quelque soit le montant de la plus value réalisée. Tel n’est pas le cas des cédants-sociétés de capitaux, qui ne peuvent échapper à un impôt supplémentaire eu égard à la plus value réellement réalisée que s’ils ont affecté cette plus value à un compte de réserve spéciale. En cas de distribution en revanche de cette plus value, dans le cadre d’une distribution des bénéfices, le montant correspondant à la plus value réalisée est imposé au même titre que les bénéfices, déduction faite de l’impôt de 5% réglé initialement.

  • Actions cotées en Bourse

L’impôt de 0, 6 % prévu par la loi 2703/1999 pour la cession d’actions cotées aux Bourses d’Athènes ou à des Bourses étrangères a été ramené à 0, 3 % par la loi 2874/2000 et cet impôt, retenu sur le prix de cession, doit être réglé au Fisc dans la première quinzaine suivant le mois de cession.

Les plus-values réalisées par la transmission d’actions cotées appartenant à des entreprises individuelles ou à des sociétés de personnes ne sont pas imposables à condition que les gains ainsi réalisés figurent dans un compte de réserve spéciale, destiné à compenser les pertes pouvant résulter par la cession d’actions, cotées ou non. Les gains en question constituant la réserve spéciale précitée ne sont imposés que s’ils sont par la suite distribués ou en cas de dissolution de la société.

Les gains réalisés par la transmission d’actions cotées par des sociétés de capitaux sont soumis à la même imposition que les bénéfices réalisés s’ils sont distribués et n’échappent à cette imposition que s’ils sont affectés à un poste de réserve spéciale.

Il n’y a aucune obligation fiscale pour les acquéreurs d’actions cotées en Bourse et leur acquisition ne fait pas partie des critères retenus par l’Administration pour évaluer forfaitairement les bénéfices déclarés.

TRANSMISSION DE L’ ENSEMBLE D’UNE ENTREPRISE.
Est considéré comme ensemble d’une entreprise l’ensemble des éléments corporels et incorporels et des situations réelles qui constituent une entreprise et qui comprennent entre autres les immeubles, les biens meubles, les créances, la clientèle, les moyens de production ou de transformation, les moyens d’identification et de ralliement de la clientèle, tels que les enseignes, les marques, les logos, etc. Il n’existe pas en droit grec la possibilité de cession de fonds de commerce que nous connaissons en France, c’est à dire la possibilité de céder selon une procédure spécifique définie par la loi l’ensemble des éléments incorporels et corporels de l’entreprise, à l’exception des immeubles et des droits immobiliers.

Ainsi il est question soit de cession d’une partie des actifs, au quel cas nous avons à faire sur le plan fiscal à une simple vente, sans régime spécifique dérogatoire, soit d’une cession de l’ensemble d’une entreprise, qui obéit à un régime fiscal spécifique, défini par la loi 2238/1994 de la façon suivante :

  • Plus values

Doit supporter un impôt de 20 % toute plus value résultant de la cession de l’ensemble d’une entreprise. Est retenue comme plus value réalisée la plus élevée entre la plus value réelle ( prix de cession contractuellement convenu moins le prix d’acquisition ) et la plus value évaluée administrativement ( valeur de l’entreprise évaluée par l’Administration, moins le prix d’acquisition ).

Une circulaire du 22 mars 2000 définit le mode d’évaluation de la valeur de l’entreprise cédée de la façon suivante :

  • Calcul de la moyenne des résultats d’exploitation des 5 dernières années d’exercice.
  • De cette moyenne sont déduits les intérêts des capitaux propres et les salaires annuels du personnel ayant plus de 5 ans d’ancienneté.
  • Le résultat est affecté d’un coefficient variant en fonction des exercices pendant lesquels l’entreprise a été en activité .
  • La valeur résultant des calculs précités constitue la valeur de cession de l’entreprise dont est déduit par la suite le prix d’acquisition, qui est le prix d’acquisition réel pour les entreprises créées après 1999 et le montant du capital social pour les entreprises créées avant cette date.
  • TVA et droits d’enregistrement.

Conformément à la jurisprudence du Conseil d’État Grec la cession de l’ensemble d’une entreprise n’est pas considérée comme une cession de biens, c’est pourquoi cette cession n’est pas soumise à la TVA mais uniquement à un droit d’enregistrement de 2 % calculé soit sur le prix de cession contractuellement convenu, soit sur le prix de cession évalué administrativement, avec toujours l’obligation de retenir la valeur la plus élevée.

Cette exemption de la TVA est néanmoins subordonnée à la condition que le cessionnaire vienne aux droits et obligations du cédant et qu’il maintienne l’activité de l’entreprise cédée .

Les immeubles cédés dans un tel cas de cession supportent des droits de mutation allant de 7 à 9 % ( au lieu de 10 – 11 % ) auxquels il faut ajouter un impôt local de 3 %.

Dans un tel type de cession le cessionnaire est solidaire du cédant pour le paiement des divers impôts dus par ce dernier.

Ainsi que nous l’avons déjà indiqué est considéré comme ensemble d’une entreprise l’ensemble des éléments corporels et incorporels et des situations réelles qui constituent une entreprise c’est pourquoi la cession de la totalité des actions d’une société anonyme, ou de la totalité des parts d’un autre type de société, n’est pas considérée par le droit grec comme une cession de l’ensemble de l’entreprise. Ce type de cession de la totalité des actions ou de parts sociales d’une société reste soumis aux régimes d’imposition applicables en matière de cession de parts sociales ou d’actions indiqués précédemment.

MECANISMES PLUS FAVORABLES
Soucieux de favoriser la création d’unités économiques importantes le droit grec a prévu une série d’allégements fiscaux lorsqu’il s’agit de fusions, acquisitions ou absorptions qui aboutissent à la création de sociétés importantes. Deux textes, le Décret Législatif 1297/1972 et la Loi 2166/1993 prévoient l’exonération des droits d’enregistrement, des droits de mutation pour les immeubles cédés et de l’impôt sur la plus value à condition :

- que la société anonyme résultant de la transmission ait un capital supérieur à 294 000 et qu’elle poursuive l’activité de l’entreprise cédée.
- que la société anonyme résultant de la cession vienne aux droits et obligations de la société cédée ou absorbée
- qu’il ne s’agisse pas d’une société ayant comme activité l’exploitation ou la gestion d’immeubles.

Malgré la similitude des avantages fiscaux accordés par les deux textes précités il est à noter que les procédures de cession qu’ils prévoient sont différentes et qu’elles aboutissent en outre à des situations juridiques différentes. Ainsi la procédure de cession prévue par la loi 2166/1993 est beaucoup plus souple que celle prévue par le Décret législatif 1297/1972 puisque dans le premier cas le prix de cession peut être évalué librement par les parties, alors que dans le deuxième la répartition des actions est faite sur la base de l’évaluation de la valeur de l’entreprise qui sera faite par une Commission de trois Experts composée par deux Experts Comptables et un représentant de l’Administration. Cette évaluation tient surtout compte de la valeur des immeubles cédés ainsi que des provisions pour créances incertaines, frais du personnel, etc.

La procédure de cession du Décret 1297/1972 est choisie dans la pratique, bien que moins souple, lorsque les parties souhaitent mettre en avant en ce qui concerne la société cédée, une situation comptable importante et notamment si les sociétés cédées possèdent des biens immobiliers. En outre le choix de cette procédure de cession implique quelques limitations quant à la possibilité de revente des biens immobiliers cédés alors qu’aucune limitation n’est prévue par la procédure de la loi 2166/1993, qui est retenue le plus souvent.
[Sommaire]

TRANSMISSION A TITRE GRATUIT
Il a déjà été indiqué qu’il n’existe pas en droit grec un régime spécifique pour la transmission d’entreprise à titre gratuit. Sont donc applicables à ce type de cession les règles générales définissant la fiscalité des donations, des donations parentales et des successions . En ce qui concerne l’imposition des plus values réalisées il est à préciser que celles –ci sont imposées au niveau du donataire, puisqu’il ne résulte aucun gain pour le donateur de cette cession à titre gratuit. L’Administration tient donc compte de la plus value réalisée par ce type de cession lorsqu’il s’agit de calculer l’impôt dû dans le cadre de la donation ou de la succession correspondante .

La valeur retenue est la valeur vénale au jour de la transmission à titre gratuit. Lorsqu’il s’agit de titres on tient compte pour les titres cotés du court moyen des six mois précédents et pour les nons cotés de la valeur nette par actions de la société .

Les barèmes d’imposition applicables aux donations, donations parentales et successions sont les suivants :

DONATIONS
Jusqu’à 20 000, 00 euros : impôt de 0%, de 20 000, 00 à 53 000, 00 euros : impôt de 5%, de 53 000, 00 à 212 000, 00 euros : impôt de 15% et au delà de 212 000, 00 euros : impôt de 25%.

DONATIONS PARENTALES
L’impôt dans ce cas représente la moitié de l’impôt applicable aux donations simples à condition que la valeur de la donation parentale ne dépasse pas 212 000 euros.

Nous avons ainsi les barèmes suivants :

Jusqu’à 20 000, 00 euros : impôt de 0%, de 20 000, 00 à 53 000, 00 euros : impôt de 2,5%, de 53 000, 00 à 212 000, 00 euros : impôt de 7,5% et au delà de 212 000, 00 euros : impôt de 25%.

SUCCESSIONS
a) Conjoint, enfants et parents : jusqu’à 19 076, 00 euros : impôt de 0%, de 19 076, 00 à 38 749, 00 euros : impôt de 5%, de 38 749, 00 à 158 474, 00 euros : impôt de 15% et au delà de 158 474, 00 euros : impôt de 25%.

b) Petits-enfants, grands-parents, frères, sœurs, beaux-frères, belles-soeurs, neveux, nièces : jusqu’à 14 674, 00 euros : impôt de 0%, de 14 674, 00 à 38 151, 00 euros : impôt de 10%, de 38 151, 00 à 158 474, 00 euros : impôt de 20%, et au delà de 158 474, 00 euros impôt de 35%.

c) Beaux-parents, parents adoptif, enfants d’un précédent mariage du conjoint : jusqu’à 6 163, 00 euros : impôt de 0%, de 6 163, 00 à 46 661, 00 euros : impôt de 20%, de 46 661, 00 à 158 474, 00 euros : impôt de 35% et au delà de 158 474, 00 euros : impôt de 50%.

d) Les autres : impôt de 0 à 60% : jusqu’à 3 522, 00 euros : impôt de 0%, de 3 522, 00 à 49 303, 00 euros : impôt de 35%, de 49 303, 00 à 158 474, 00 euros : impôt de 50% et au delà de 158 474, 00 euros : impôt de 60%.

[Sommaire]